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프로젝트 7 : 미셸 푸코의 Dits et Ecrits 번역 작업/Dits et Ecrits 2권

Foucault, Tome II, 079, II y aura scandale, mais...

by 상겔스 2024. 6. 25.
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< Il y auta scandale, mais... >, he Nouvel Observateur, n° 304, 7-13 septembte 1970, p. 40. (Sur P. Guyotat, Èden, Èden, Èden, Paris, Gallimard, 1970.)
Lettre privée à Pierre Guyotat rendue publique dans l’espoir de prévenir l’interdition d’Èden, Èden, Èden, sorti en septembre aux éditions Gallimard.
À la fin de l’année 1970, le ministète de l’Intérieur recourait fréquemment et arbitrairement à l’article 14 de la loi du 26 juillet 1949 visant la protection de la jeunesse. Lorsque trois interdictions avaient frappé un même éditeur, celui-ci pouvait être soumis à l’obligation du dépôt préalable de tous les livres de même nature. Le ministère se donnait aussi la possibilité d’examiner la production de l’année écoulée dudit éditeur. Cette pression politico-économique sur l’édition multiplia les recours aux préfaces protectrices. C’est l’une des raisons pour lesquelles M. Foucault préfaça l’édition des oeuvres complètes de Bataille. À la même époque, le film de William Klein sur Eldridge Cleaver fut interdit en France.
Quoique préfacé par Michel Leitis, Roland Barthes, Philippe Soliere, le 15 octobre 1970, Eden était frappé de la triple interdiction : de vente aux mineure de moins de dix-huit ans, d’affichage et d’exposition, de publicité; les articles de critique pouvant être assimilés à de la publicité. S’ensuivit une énorme pétition d’intellectuels contre l’inrerdirion à'Èden. François Mitterrand, alors député, adressa une question orale au Premier ministre. Claude Simon démissionna du jury Médicis. Pierre Guyotat avait rejoint depuis peu le P.C.F., dont s’était également rapproché Tel quel en 1968.
Sur cette affaire, voir P. Guyotat, Littérature interdite, Paris, Gallimard, 1972, où le texte de M. Foucault est republié. Et voir infra n°82, pp. 954-955.

 


Ce livre, vous le savez bien, sera moins facilement reçu que le Tombeau. Il y manque ce bruit de guerre qui avait permis à votre premier roman d’être entendu. On veut que la guerre ne soit qu’une parenthèse, le monde interrompu ; et à cette condition on admet que tous les extrêmes s’y rencontrent. Je me demande si le Tombeau n’est pas passé à la faveur d’une fausse dramatisation ; on a dit : c’est l’Algérie, c’est l’occupation, alors que c’était le piétinement de toute armée, et le brouhaha infini des servitudes. On a dit : c’est le temps où nous étions coupables, nous nous y reconnaissons, nous voilà donc innocents, alors que ces coups, ces corps, ces blessures dans leur nudité, loin d’être une image de la morale, valaient pour le signe pur de la politique. À l’abri de la grande excuse guerrière, ce que vous racontiez nous parvenait allégé comme un chant du lointain. Votre triple Èden reprend le même discours, mais à la plus petite distance possible, au-dessous des limites de l’accommodation. On ne peut plus voir, on ne peut plus imaginer le lieu où vous parlez et d’où nous viennent ces phrases, ce sang : brouillard de l’absolue proximité. Le Tombeau, malgré l’apparence, était hors chronologie : on l’a méconnu en essayant d’y inscrire une date. Èden (par définition) est hors lieu : mais je pense bien qu’on essaiera de le réduire en lui trouvant une patrie : ce sera le corps (le corps, c’était, dans la pensée d’hier, une élégance — matérialiste — pour sauver le sujet, le moi, l’âme). Pourtant, c’est d’en deçà du corps que votre texte nous arrive : surfaces, éclatements, ouvertures-blessures, vêtements et peaux qui se retournent et s’inversent, liquides blancs et rouges, < ruissellement du dehors étemel >.

J’ai l’impression que vous rejoignez par là ce qu’on sait de la sexualité depuis bien longtemps, mais qu’on tient soigneusement à l’écart pour mieux protéger le primat du sujet, l’unité de l’individu et l’abstraction du < sexe > : qu’elle n’est point à la limite du corps quelque chose comme le < sexe >, qu’elle n’est pas non plus, de l’un à l’autre, un moyen de communication, qu’elle n’est pas même le désir fondamental ni primitif de l’individu, mais la trame même de ses processus lui est largement antérieure ; et l’individu, lui, n’en est qu’un prolongement précaire, provisoire, vite effacé ; il n’est, en fin de compte, qu’une forme pâle qui surgit pour quelques instants d’une grande souche obstinée, répétitive. Les individus, des pseudopodes vite rétractés de la sexualité. Si nous voulions savoir ce que nous savons, il faudrait renoncer à ce que nous imaginons de notre individualité, de notre moi, de notre position de sujet. Dans votre texte, c’est peut-être la première fois que les rapports de l’individu et de la sexualité sont franchement et décidément renversés : ce ne sont plus les personnages qui s’effacent au profit des éléments, des structures, des pronoms personnels, mais la sexualité qui passe de l’autre côté de l’individu et cesse d’être < assujettie ».

En approchant de ce point, vous avez été contraint de dépouiller ce qui rendait le Tombeau accessible; il vous a fallu faire éclater toutes les formes et tous les corps, accélérer toute la grande machinerie de la sexualité et la laisser se répéter sur la ligne droite du temps. Vous vous promettez, je le crains (j’allais dire : je l’espère, mais c’est trop facile quand il s’agit d’un autre), bien de l’opposition... Il y aura scandale, mais c’est d’autre chose qu’il s’agit.

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