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프로젝트 7 : 미셸 푸코의 Dits et Ecrits 번역 작업/Dits et Ecrits 1권

Michel Foucault, dits et ecrits, tome I, 019. Notice historique, in Kant (E.),Anthropologie du point de vue pragmatique

by 상겔스 2024. 6. 25.
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19 Notice historique


« Notice historique », in Kant (E.), Anthropologie du point de vue pragmatique (trad. M. Foucault), Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1964, pp. 7-10.

En 1961, M. Foucault présente comme thèse complémentaire pour l’obtention du doctorat ès lettres une traduction annotée, de 347 pages, d’Anthropologie in pragmatischer Hinsichtabgefaßt, d’Emmanuel Kant, précédée d’une introduction de 128 pages. L’ensemble est conservé sous forme dactylographiée par la bibliothèque de la Sorbonne. Foucault ne publia que la traduction précédée de cette « notice historique ».

Une note de l’Anthropologie[129] indique qu’avant d’être rédigé le texte avait fait l’objet d’un cours pendant « quelque trente ans » ; les leçons du semestre d’hiver lui étaient consacrées, celles de l’été devant être réservées à la géographie physique. En fait, ce chiffre n’est pas exact ; Kant avait commencé son enseignement de géographie dès 1756 ; les cours d’anthropologie, en revanche, n’ont été inaugurés probablement que pendant l’hiver 1772-1773[130].

L’édition du texte que nous connaissons coïncide avec la fin des cours, et avec la retraite définitive de Kant comme professeur. Le Neues Teutsche Merkur de 1797 fait mention de la nouvelle, qui lui est transmise de Königsberg : « Kant publie cette année son Anthropologie. Il l’avait jusqu’à présent gardée par-devers lui parce que, de ses conférences, les étudiants ne fréquentaient guère plus que celle-ci. Maintenant, il ne donne plus de cours, et n’a plus de scrupule à présenter ce texte au public[131]. » Sans doute Kant laisse-t-il son programme figurer encore au catalogue de l’université, pour le semestre d’été 1797, mais il avait en public, sinon d’une manière officielle, déclaré qu’« à raison de son grand âge il ne voulait plus faire de conférences à l’université[132] ». Le cours définitivement interrompu, Kant s’est décidé à en faire imprimer le texte.

De ses divers états, avant cette rédaction dernière, nous ne connaissons rien ou presque. À deux reprises, Starke a publié, après la mort de Kant, des notes qui auraient été prises par des auditeurs[133]. Aucun de ces ouvrages cependant ne mérite une absolue confiance ; il est difficile de faire crédit à des notes publiées trente-cinq ans après la mort de Kant. Cependant, le second recueil comprend un élément important qui ne figure pas dans le texte publié par Kant : un chapitre « Von der intellectuellen Lust und Unlust ». Selon Starke, le manuscrit de ce chapitre aurait été perdu lorsque Kant l’a envoyé de Königsberg à Iéna pour le faire imprimer. En fait, rien dans le manuscrit de l’Anthropologie, tel qu’il existe à la bibliothèque de Rostock, ne permet de supposer qu’un fragment en ait été perdu. Il est plus vraisemblable que Kant n’a pas voulu faire place, dans l’ouvrage imprimé, à un texte qui avait fait partie, jadis, de son enseignement oral. Quant au premier recueil de Starke, s’il faut s’y arrêter, c’est qu’il comporte une précision de date ; les notes qui le constituent auraient été prises au cours du semestre d’hiver 1790-1791 : sur un point touchant à la conception et à la structure même de l’Anthropologie, elles indiquent qu’un changement a dû se produire entre cette date et la rédaction définitive du manuscrit. Vers 1791 encore, le cours se divisait en une Elementarlehre et une Methodenlehre. Il est probable au demeurant que ce n’était pas là l’organisation primitive, mais qu’elle fut, à un moment donné, empruntée aux Critiques. Dans l’Anthropologie telle qu’elle a été publiée, les deux parties portent le titre de Didactique et de Caractéristique, sans que le contenu ait été pour autant modifié. Peut-être étaient-ce les titres originaires, que Kant aurait abandonnés pour un temps afin d’établir une symétrie avec les trois critiques.

Au volume XV de l’édition de l’Académie, on trouve des Collegentwürfe répartis en deux sections : l’une réunissant les années 1770-1780, l’autre les années 1780-1790*. Il y a beaucoup de points communs entre ces esquisses et le texte publié ; pourtant, on peut noter des glissements majeurs dans la signification même de l’Anthropologie et dans la définition du point de vue pragmatique (importance plus grande apportée par les Collegentwürfe aux thèmes de l’histoire, de la citoyenneté, du cosmopolitisme).

Enfin, l’édition de l’Académie a regroupé des Reflexionen*. se rapportant à l’Anthropologie, en essayant de leur donner une date. Mais, à ce niveau, seules des modifications de détail peuvent devenir déchiffrables (le classement de ces fragments selon le plan de 1798 est le fait des éditeurs).

*

Un certain nombre d’indices permettent de situer avec assez d’exactitude le moment où fut rédigé le texte de l’Anthropologie, parue chez Nicolovius en octobre 1798.

1) Dans une lettre à Christophe Wilhelm Hufeland qui date de la seconde quinzaine du mois de mars 1797, Kant remercie son correspondant de l’envoi qu’il lui a fait. Il s’agit de la Makrobiotik oder die Kunst das menschliche Leben zu verlängern (Iéna, 1796) ; il promet de lire le livre, mais en mesurant son plaisir, « à la fois pour conserver la vivacité de son appétit et pour saisir clairement les idées hardies et exaltantes pour l’âme qui concernent la force de la disposition morale, animatrice de l’homme physique, et dont il compte bien se servir pour l’Anthropologie 1[134] ».

2) Le 20 septembre 1797, le texte est assez avancé pour que le cercle des amis et des correspondants s’attende à une prochaine parution. « C’est avec une grande joie, écrit Biester, que les lecteurs vont accueillir votre Anthropologie » ; et pensant probablement que la rédaction en est désormais achevée, il ajoute : « Il est excellent que vous donniez ce texte à l’imprimeur cette année encore, car il y a bien longtemps qu’on désire le lire[135]. »

3) Le 5 novembre de la même année, Tieftrunk demande des nouvelles de l’ouvrage, s’étonnant un peu qu’il ne soit pas encore paru : « Le public attend de vous une Anthropologie : va-t-elle bientôt paraître[136] ? »

4) En fait, il est difficile de savoir si la rédaction est ou non achevée à cette date. Autant Kant s’est occupé avec obstination et minutie de la publication du Conflit des facultés[137], autant il est avare, dans sa correspondance, de renseignements sur l’Anthropologie. Lorsque, dans une lettre du 13 octobre 1797, il évoque la possibilité de sa mort prochaine, il recommande à Tieftrunk deux « mémoires » dont le professeur Gensichen se chargera. L’un est entièrement rédigé – depuis deux ans déjà –, l’autre est presque achevé[138]. Il est infiniment peu probable que le manuscrit de l’Anthropologie soit par là concerné ; le terme d’Abhandlung ne convient pas à un texte si long ; il s’agit bien plutôt de deux sections du Conflit des facultés. Dès lors faut-il admettre que la véritable rédaction de l’Anthropologie n’est pas encore entreprise ou, au contraire, tout à fait terminée et déjà acheminée à l’éditeur ?

5) Schöndörffer fait valoir que le manuscrit de l’Anthropologie ne désigne pas nommément le Dr Less à propos d’Albrecht Haller : il est question seulement d’un « théologien connu, ancien collègue [de Haller] à l’université ». Or le texte imprimé porte le nom du Dr Less[139]. Celui-ci étant mort en 1797, on peut supposer que Kant n’a pas voulu, de son vivant, le citer expressément ; la nouvelle du décès serait donc intervenue une fois le manuscrit achevé et, sans doute, remis à l’imprimeur.

6) Plus important et plus convaincant le fait que certains passages qui figurent dans le manuscrit ont passé, à peu près tels quels, dans le texte Von der Macht des Gemüts durch den blossen Vorsatz seiner krankhaften Gefühle meister zu sein*. Ce texte constitue la troisième partie du Conflit des facultés. Kant, dans une lettre du 17 avril 1797**, donne ce thème de l’ouvrage comme une idée qui lui est venue tout récemment. Il vient d’entrer dans sa soixante-quatorzième année et s’est trouvé heureusement préservé jusque-là de toute maladie ; cette expérience le fonde à parler d’un psychologisches Arzneimittel[140]. C’est un fait que, dans sa lettre précédente à Hufeland (fin du mois de mars), il n’en est pas encore question. La lecture de la Makrobiotik l’a déterminé, comme le laisse entendre la « Réponse à Hufeland » qui ouvre Von der Macht des Gemüts. Or ce texte a paru dans le Journal der praktischen Arzneikunde und Wundarzneikunst (4te Stück, V Band, 1798) avec des textes prélevés sur le texte de l’Anthropologie[141]. On peut donc supposer que celui-ci était achevé, ou presque, lorsque fut rédigé l’article destiné à la revue de Hufeland.

7) Une note du texte imprimé renvoie à Von der Macht des Gemüts[142]. Or cette note ne figure pas dans le manuscrit de Rostock, ce qui laisse supposer qu’à l’époque où il le rédigea Kant n’avait pas achevé et peut-être même pas encore entamé la composition de l’article qu’il destinait à Hufeland.

8) On a fait remarquer qu’une note marginale du manuscrit renvoie à l’ouvrage de Hearne, dont deux traductions allemandes avaient paru en 1797. Kant les aurait donc lues dans la seconde moitié de cette année-là, une fois le manuscrit rédigé. Mais encore faut-il remarquer que Hearne était déjà cité dans La Religion à l’intérieur des limites de la simple raison[143]. Il pourrait donc s’agir d’une réminiscence et d’une addition.

Tous ces renseignements indiquent une date assez précise ; le manuscrit de l’Anthropologie a dû être mis au point, pour l’essentiel, dans la première moitié de l’année 1797 – peut-être dans les trois ou quatre premiers mois. La brusque inspiration qui a fait naître Von der Macht n’a pas eu sans doute à interrompre une rédaction à peu près achevée ; mais elle en a repoussé vraisemblablement l’impression et la mise au point définitive. C’est une fois Von der Macht achevé et peut-être envoyé déjà à Hufeland que les dernières modifications ont été apportées à l’Anthropologie (suppression des passages qui faisaient double emploi, addition de références) et adressées alors directement à l’imprimeur ou portées sur les épreuves[144].

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