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프로젝트 7 : 미셸 푸코의 Dits et Ecrits 번역 작업/Dits et Ecrits 4권

Michel Foucault, dits et ecrits, tome I, 057. Lettre de Michel Foucault à Jacques Proust

by 상겔스 2024. 6. 26.
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57 Lettre de Michel Foucault à Jacques Proust


« Lerne de Michel Foucault à Jacques Proust », La Pensée, n° 139, mai-juin 1968, pp. 114-117.

Sidi-Bou-Saïd, le 11 mars 1968

Cher ami,

Je viens de découvrir et de lire les « Entretiens sur Foucault » que tu as bien voulu présider. Je te suis très reconnaissant d’avoir entrepris cette tâche : ce que vous avez dit était fort intéressant. Tes remarques et celles de Verley m’ont passionné*.

Je laisse de côté tous les problèmes de méthode : je m’emploie actuellement à les élucider. Mais puisqu’il a été question des « erreurs » que j’ai pu commettre (à cause ou en dépit de la méthode), voici quelques remarques que m’ont suggérées les propos de M. Stéfanini**. À vrai dire, je me borne à mettre en parallèle ses affirmations et ce que j’ai pu dire dans Les Mots et les Choses.

Je ne suis pas sûr que ces remarques méritent d’être portées à la connaissance du public, et d’occuper encore les lecteurs de La Pensée. D’autant plus qu’ils auront pu faire d’eux-mêmes le petit travail auquel je viens de passer l’après-midi. Si du moins tu estimes que ce serait leur faciliter la tâche que de leur donner ces quelques références, tu as d’avance mon accord pour les publier, ainsi que cette lettre.

Avec ma très fidèle et sincère amitié,

Michel Foucault.





CE QUI A ÉCHAPPÉ À LA VIGILANCE DE M. STÉFANINI


M. Stéfanini, p. 33 : « Une des raisons (selon Foucault) de l’apparition de la grammaire comparée serait la distinction opérée entre lettre et son. Mais l’analyse de la prononciation a toujours occupé les grammairiens. »

Les Mots et les Choses, p. 123 : un paragraphe consacré à la phonétique au XVIIIe siècle, avec référence à Copineau, de Brosses, Bergier. Cf p. 125 et également p. 248 avec référence à Court de Gébelin et à Helwag.


M. St., p. 33 : « Quant à la distinction racine / désinence, loin de commencer avec Bopp, elle est depuis longtemps connue de tous les hébraïsants. »

M. et C., pp. 123-125 : un long passage sur la théorie des racines au XVIIIe siècle ; p. 247 : « Les grammairiens connaissaient depuis longtemps les phénomènes flexionnels » ; p. 300 : « À l’époque classique, les racines se repéraient par un double système de constantes » (et tout le paragraphe qui suit).


M. St., p. 34 : « On n’a pas attendu Bopp pour faire une étude de l’expressivité des sons. Court de Gébelin constitue là aussi un bel exemple. »

M. et C., pp. 117-118 : un paragraphe sur l’expressivité des sons avec référence à Le Bel, Thiébault et Court de Gébelin ; pp. 122-123 : deux paragraphes consacrés à la formation des racines à partir des cris naturels ; p. 248 : référence à Court de Gébelin sur ce même sujet.


M. St., p. 36 : « Foucault s’en tient à la grammaire élémentaire de Condillac et aux travaux de certains idéologues, qui en fait tendaient à laisser entre parenthèses l’origine sensualiste du langage. »Contre cette réduction, M. St. fait valoir de Brosses et sa « génétique des langues ».

M. et C., p. 124 : l’analyse de De Brosses est résumée dans un paragraphe qui commence ainsi : « Le langage peut se déployer maintenant dans sa généalogie. » Le texte de De Brosses sur le rôle du climat, que M. St. rappelle (p. 36) est cité, avec sa référence, p. 126. D’une façon générale, la théorie sensualiste de l’origine du langage est analysée aux pages 119-125.





CE QUE M. STÉFANINI À CRU LIRE


Je n’ai jamais attribué la « principale originalité » de Port-Royal à l’analyse : « Je lis = Je suis lisant » (St., p. 31) ; j’ai essayé de définir le rôle de cette analyse dans la théorie de la proposition et du verbe, selon la Grammaire générale.

Je n’ai jamais prétendu que la définition du nom par Port-Royal était originale (St., p. 31). Même remarque que précédemment.

Où ai-je dit que nous ne croyions plus aux influences extérieures sur les changements linguistiques ? J’ai essayé de montrer comment, pour découvrir les lois d’évolution interne du langage, il avait fallu, pendant un temps, ne pas tenir compte de ces agents extérieurs comme cause formatrice.





CE QUE M. STÉFANINI À INVOLONTAIREMENT DÉFORMÉ


St., p. 26 : « Pourquoi attribuer aux seuls stoïciens le système ternaire ? »

M. et C., p. 79 : « Une organisation qui avait toujours été ternaire depuis les stoïciens et même les premiers grammairiens grecs. »


St., p. 30 : « Ce XVIIe siècle prétendument ennemi de l’histoire… »

M. et C., p. 101 : « Cette appartenance de la langue au savoir libère tout un champ historique… » et tout le paragraphe qui suit ; pp. 125-131 : tout le chapitre est consacré à diverses formes d’évolution historique reconnues à l’âge classique ; pp. 304-305 : diverses indications sur l’histoire de la langue telle que pouvait la décrire la Grammaire générale.


St., p. 35 : « Foucault affirme que la Grammaire de Port-Royal suppose une parfaite adéquation des mots et des idées. »

M. et C., pp. 96-97 : le paragraphe où on explique l’inadéquation du langage et des idées.

Enfin, déformation majeure : selon M. Stéfanini, j’aurais omis les recherches comparatives faites au XVIIe et au XVIIIe siècle.

Or j’ai analysé (et je m’en suis expliqué) le « domaine épistémologique nouveau que l’âge classique appelle grammaire générale » (M. et C., p. 97), domaine qui « n’est point grammaire comparée » (p. 106) et où la comparaison ne figure ni comme « objet », ni comme « méthode » (p. 106).

Ce faisant, je n’ai pas prétendu que tout ce qui avait pu être dit sur le langage pendant un siècle s’y trouvait inclus ; je n’ai parlé ni de Vico, ni de Herder, ni de l’exégèse biblique, ni des critiques et commentaires de textes (j’en parlerai dans un prochain ouvrage), ni de la rhétorique ou de l’esthétique du langage.

Je n’ai pas prétendu non plus que tous les concepts utilisés par la Grammaire générale étaient nouveaux, ni qu’ils ont disparu avec elle. Bref, je n’ai pas fait l’histoire de toutes les connaissances sur le langage, mais l’analyse d’une figure épistémologique singulière, qui s’est donnée comme théorie générale du langage, en liaison avec une théorie des signes et une théorie de la représentation.

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