140. Anti-Rétro
« Anti-Rétro » (entretiens avec P. Bonitzer et S. Toubiana), Cahiers du cinéma, n° 251-252, juillet-août, pp. 6-15.
— Partons du phénomène journalistique de la mode rétro. On peut tout simplement poser la question : pourquoi des films comme Lacombe Lucien 256 ou Portier de nuit 257 sont-ils aujourd’hui possibles ? Pourquoi rencontrent-ils un écho énorme ? Nous pensons qu’il faudrait répondre à trois niveaux :
1) La conjoncture politique. Giscard d’Estaing a été élu. Il se crée un nouveau type de rapport à la politique, à l’histoire, à l’appareil politique, qui indique très nettement – et d’une manière visible pour tout le monde – la mort du gaullisme. Donc, il faudrait voir, dans la mesure où le gaullisme reste très lié à l’époque de la Résistance, comment cela se traduit au niveau des films qui se font.
2) Comment peut-il y avoir offensive de l’idéologie bourgeoise dans les brèches du marxisme orthodoxe – rigide, économiste, mécaniste, peu importent les termes – qui a fourni pendant très longtemps la seule grille d’interprétation des phénomènes sociaux ?
3) Enfin, comment cela se pose-t-il par rapport aux militants ? Dans la mesure où les militants sont des consommateurs et parfois des producteurs de films.
Ce qui se passe, c’est que depuis le film de Marcel Ophuls, Le Chagrin et la Pitié 258, des vannes ont été ouvertes. Quelque chose qui avait été jusqu’alors soit complètement refoulé, soit interdit, déferle. Pourquoi ?
— Je crois que cela vient du fait que l’histoire de la guerre et de ce qui s’est passé autour de la guerre n’a jamais été inscrite vraiment ailleurs que dans des histoires tout à fait officielles. Ces histoires officielles étaient essentiellement centrées autour du gaullisme qui, d’une part, était la seule manière d’écrire cette
histoire-là dans les termes d’un nationalisme honorable, et, d’autre part, était la seule manière de faire intervenir comme personnage de l’histoire le Grand Homme, l’homme de droite, l’homme des vieux nationalismes du XIXe siècle.
Finalement, la France était justifiée par de Gaulle et, d’autre part, la droite, qui s’était conduite comme on le sait au moment de la guerre, se trouvait purifiée et sanctifiée par de Gaulle. Du coup, la droite et la France se trouvaient réconciliées dans cette manière de faire l’histoire : ne pas oublier que le nationalisme a été le climat de naissance de l’histoire du xrxe siècle et surtout de son enseignement.
Ce qui n’a jamais été décrit, c’est ce qui s’est passé dans les profondeurs mêmes du pays depuis 1936 et même depuis la fin de la guerre de 1914 jusqu’à la Libération.
— Donc, ce qui interviendrait depuis Le Chagrin et la Pitié, c’est une espèce de retour de la vérité dans l’histoire. La question est de savoir si c’est bien la vérité.
— Il faut lier cela au fait que la fin du gaullisme signifie le point final mis à cette justification de la droite par ce personnage et cet épisode. La vieille droite pétainiste, la vieille droite collaboratrice, maurrassienne et réactionnaire qui se camouflait comme elle le pouvait derrière de Gaulle considère que maintenant elle a le droit de réécrire elle-même sa propre histoire. Cette vieille droite qui, depuis Tardieu, avait été disqualifiée historiquement et politiquement revient maintenant sur le devant de la scène.
Elle a soutenu explicitement Giscard. Elle n’a plus besoin de porter de masque et, par conséquent, elle peut écrire sa propre histoire. Et, parmi les facteurs de l’acceptation actuelle par la moitié des Français (plus 200 000) de Giscard, il ne faut pas oublier des films comme ceux dont on parle – quelle qu’ait été l’intention des auteurs. Le fait que tout cela ait pu être montré a permis une certaine forme de regroupement de la droite. De même que, inversement, c’est bien l’effacement de la coupure droite nationale/droite collaboratrice qui a rendu ces films possibles. C’est absolument lié.
— Cette histoire se réécrit donc à la fois cinématographiquement et têlêvisuellement, avec des débats comme ceux des Dossiers de l’écran (qui ont choisi deux fois en deux mois le thème : les Français sous l Occupation). Et, d’autre part, cette réêcriture de l’histoire se fait aussi apparemment avec des cinéastes qui sont considérés comme plus ou moins de gauche. Il y a là un problème à approfondir.
— Je ne crois pas que les choses soient si simples. Ce que je disais tout à l’heure est très schématique. Reprenons.
Il y a un véritable combat. Et quel en est l’enjeu ? C’est ce qu’on pourrait appeler en gros la mémoire populaire. Il est absolument vrai que les gens, je veux dire ceux qui n’ont pas le droit à l’écriture, à faire eux-mêmes leurs livres, à rédiger leur propre histoire, ces gens-là ont tout de même une manière d’enregistrer l’histoire, de s’en souvenir, de la vivre et de l’utiliser. Cette histoire populaire était, jusqu’à un certain point, plus vivante, plus clairement formulée encore au XIXe siècle, où il y avait par exemple toute une tradition des luttes qui se traduisait soit oralement, soit par des textes, des chansons, etc.
Or toute une série d’appareils a été mise en place (la « littérature populaire », la littérature à bon marché, mais aussi l’enseignement scolaire) pour bloquer ce mouvement de la mémoire populaire, et on peut dire que le succès de cette entreprise a été relativement grand. Le savoir historique que la classe ouvrière a d’elle-même ne cesse de se rétrécir. Quand on songe, par exemple, à ce que savaient de leur propre histoire les ouvriers de la fin du XIXe siècle, ce qu’avait été la tradition syndicale – au sens fort du terme tradition – jusqu’à la guerre de 1914, c’était tout de même formidable. Cela n’a pas cessé de diminuer. Cela diminue, mais cela ne se perd tout de même pas.
Maintenant, la littérature bon marché, ça n’est plus suffisant. Il y a des moyens beaucoup plus efficaces qui sont la télévision et le cinéma. Et je crois que c’est une manière de recoder la mémoire populaire, qui existe mais qui n’a aucun moyen de se formuler. Alors, on montre aux gens, non pas ce qu’ils ont été, mais ce qu’il faut qu’ils se souviennent qu’ils ont été.
Comme la mémoire est quand même un gros facteur de lutte (c’est bien, en effet, dans une espèce de dynamique consciente de l’histoire que les luttes se développent), si on tient la mémoire des gens, on tient leur dynamisme. Et on tient aussi leur expérience, leur savoir sur les luttes antérieures. Il faut ne plus savoir ce qu’est la Résistance…
Alors, je crois que c’est un peu comme cela qu’il faut comprendre ces films-là. Le thème, en gros, c’est qu’il n’y a pas eu de lutte populaire au xxe siècle. Cette affirmation a été formulée successivement de deux façons. Une première fois aussitôt après la guerre, en disant simplement : « Le xxe siècle, quel siècle de héros ! Il y a eu Churchill, de Gaulle, les types qui se sont fait parachuter, les escadrilles, etc. ! » Ce qui était une manière de dire : « Il n’y a pas eu de lutte populaire, la vraie lutte, c’est celle-là. » Mais on ne disait pas encore directement : « Il n’y a pas eu de lutte populaire. »
L’autre façon, plus récente, sceptique ou cynique, comme on voudra, consiste à passer à l’affirmation pure et simple : « Regardez en fait ce qui s’est passé. Où avez-vous vu des luttes ? Où voyez-vous les gens s’insurger, prendre les fusils ? »
— Il y a une sorte de rumeur qui s’est répandue depuis, peut-être, Le Chagrin et la Pitié. À savoir : le peuple français, dans son ensemble, n’a pas résisté, il a même accepté la collaboration, les Allemands, il a tout avalé. La question est de savoir ce que cela veut dire en définitive. Et il semble bien en effet que l’enjeu soit la lutte populaire, ou plutôt la mémoire de cette lutte.
— Exactement. Il faut prendre possession de cette mémoire, la régenter, la régir, lui dire ce dont elle doit se souvenir. Et, quand on voit ces films, on apprend ce dont on doit se souvenir : « Ne croyez pas tout ce qu’on vous a raconté autrefois. Il n’y a pas de héros. Et s’il n’y a pas de héros, c’est qu’il n’y a pas de lutte. » D’où une sorte d’ambiguïté : d’un côté, « il n’y a pas de héros », c’est un déboulonnage positif de toute une mythologie du héros de guerre à la Burt Lancaster. C’est une manière de dire : « La guerre, ce n’est pas ça ! » D’où une première impression de décapage historique : on va enfin nous dire pourquoi on n’est pas tous tenus de nous identifier à de Gaulle ou aux membres de l’escadrille Nor-mandie-Niemen, etc. Mais sous la phrase : « Il n’y a pas eu de héros » se cache une autre phrase qui est, elle, le véritable message : « Il n’y a pas eu de lutte. » C’est en cela que consiste l’opération.
— Il y a un autre phénomène qui explique pourquoi ces films marchent bien. C’est qu’on utilise le ressentiment de ceux qui ont effectivement lutté contre ceux qui n’ont pas lutté. Par exemple, les gens qui ont fait la Résistance, et qui voient dans Le Chagrin et la Pitié les citoyens d’une ville du centre de la France passifs, reconnaissent cette passivité. Et là, c’est le ressentiment qui prend le dessus ; ils oublient que, eux, ils ont lutté.
— Le phénomène politiquement important à mes yeux, plus que tel ou tel film, c’est le phénomène de série, le réseau constitué par tous ces films et la place, sans jeu de mots, qu’ils occupent. Autrement dit, ce qui est important, c’est la question : « Est-il possible, actuellement de faire un film positif sur les luttes de la Résistance ? » Eh bien ! on s’aperçoit que non. On a l’impression que cela ferait rigoler les gens ou que, tout simplement, ce film ne serait pas vu.
J’aime assez Le Chagrin et la Pitié, je ne considère pas que c’est
une mauvaise action de l’avoir fait. Je me trompe peut-être, là n’est pas l’important. L’important, c’est que cette série de films est exactement corrélative de l’impossibilité – et chacun de ces films accentue cette impossibilité – de faire un film sur les luttes positives qu’il a pu y avoir en France autour de la guerre et de la Résistance.
— Oui. C’est la première chose qu’on nous oppose quand on attaque un film comme celui de Malle. La réponse, c’est toujours : <r Qu’est-ce que vous auriez mis à la place ? » Et c’est vrai que l’on ne peut pas répondre. On devrait commencer à avoir, disons, un point de vue de gauche là-dessus, mais il est vrai qu’il n’existe pas tout constitué.
En contrepartie, cela repose le problème de : * Comment produire un héros positif, un nouveau type de héros? »
— Ce n’est pas le héros, c’est le problème de la lutte. Peut-on faire un film de lutte sans qu’il y ait les processus traditionnels de l’héroïsation ? On en revient à un vieux problème : comment l’histoire en est-elle arrivée à tenir le discours qu’elle tient et à récupérer ce qui s’est passé, sinon par un procédé qui était celui de l’épopée, c’est-à-dire en se racontant comme une histoire de héros ? C’est comme cela qu’on a écrit l’histoire de la Révolution française. Le cinéma a procédé de la même façon. À cela on peut toujours opposer l’envers ironique : « Non, regardez, il n’y a pas de héros. On est tous des cochons, etc. »
— Revenons à la mode rétro. La bourgeoisie, de son point de vue, a relativement bien centré son intérêt sur une période historique (les années quarante) qui focalise à la fois son point faible et son point fort. Car, d’un côté, c’est là qu’elle est le plus facilement démasquée (c’est elle qui a créé le terrain du nazisme ou de la collaboration avec le nazisme), et, de l’autre, c’est là qu’elle tente aujourd’hui de justifier, sous les formes les plus cyniques, son attitude historique. Le problème, c’est : comment, pour nous, positiver cette même période historique ? Nous, c’est-à-dire la génération des luttes de 1968 ou de Lip. Est-ce bien là qu’il y a une brèche à effectuer pour penser, sous une forme ou sous une autre, une hégémonie idéologique possible ? Car il est vrai que la bourgeoisie est à la fois offensive et défensive sur ce sujet {sur son histoire récente). Défensive stratégiquement, offensive tactiquement, puisqu’elle a trouvé son point fort, celui à partir duquel elle peut le mieux brouiller les cartes. Mais nous, devons-nous simplement – ce qui est défensif – rétablir la vérité sur l’histoire ? N’est-il pas possible de trouver le point qui, idéologiquement, ferait la brèche ? Est-ce que c’est automatiquement la Résistance ? Pourquoi pas 1789 ou 1968 ?
— À propos de ces films et sur le même sujet, je me demande si on ne pourrait pas faire autre chose. Et quand je dis « sujet », je ne veux pas dire : montrer les luttes ou montrer qu’il n’y en a pas eu. Je veux dire qu’il est historiquement vrai que dans les masses françaises il y a eu, au moment de la guerre, une espèce de refus de la guerre. Or d’où cela vient-il ? De toute une série d’épisodes dont personne ne parle, ni la droite parce qu’elle veut le cacher, ni la gauche parce qu’elle ne veut pas être compromise avec tout ce qui serait contraire à 1’ « honneur national ».
Pendant la guerre de 1914, il y a eu tout de même 7,8 millions de gars qui sont passés dans la guerre. Us ont mené pendant quatre ans une vie horrible, ils ont vu mourir autour d’eux des millions et des millions de gens. Ils se sont retrouvés en 1920, avec quoi devant eux ? Un pouvoir de droite, une exploitation économique totale et finalement une crise économique et le chômage en 1932. Ces gens, que l’on a entassés dans les tranchées, comment pouvaient-ils encore aimer la guerre pendant les deux décennies, 1920-1930 et 1930-1940 ? Les Allemands ont eu ceci, c’est que la défaite a ranimé en eux un sentiment national tel que le désir de vengeance a pu surmonter cette espèce de dégoût. Mais, après tout, on n’aime pas se battre pour ces guerres bourgeoises, avec ces officiers-là, pour ces bénéfices de guerre-là. Je crois que ça a été un phénomène fondamental dans la classe ouvrière. Et quand, en 1940, des types ont foutu leur vélo dans le fossé et ont dit : « Je rentre chez moi », on ne peut pas simplement dire : « Ce sont des veaux ! » et on ne peut pas non plus le cacher. Il faut le replacer dans toute cette série-là. Cette non-adhésion à des consignes nationales, il faut l’enraciner. Et ce qui s’est passé pendant la Résistance, c’est le contraire de ce qu’on nous montre : c’est-à-dire que le processus de repolitisation, la remobilisation, le goût de la lutte ont recommencé petit à petit dans la classe ouvrière. Cela a recommencé doucement après la montée du nazisme, de la guerre d’Espagne. Or, ce que les films montrent, c’est le processus inverse, c’est-à-dire : après le grand rêve de 1939 qui a volé en éclats en 1940, les gens abandonnent. Il y a bien eu ce processus, mais à l’intérieur d’un autre processus à beaucoup plus longue échelle qui, lui, allait en sens contraire et qui, à partir du dégoût de la guerre, aboutissait, au milieu de l’Occupation, à la prise de conscience qu’il fallait lutter. Sur le thème : « Il n’y a pas de héros, il n’y a que des veaux », il faudrait se demander d’où cela vient et où cela s’enracine. Après tout, a-t-on jamais fait des films sur les mutineries ?
— Oui. Il y a eu le film de Kubrick (Les Sentiers de la gloire) 259 interdit en France.
— Je crois qu’il y avait un sens politique positif à cette non-adhésion à des consignes de luttes nationales et armées. On peut reprendre le thème historique de la famille de Lacombe Lucien en la faisant remonter à Ypres et à Douaumont…
— Ce qui pose le problème de la mémoire populaire, d’une temporalité qui lui serait propre et qui serait très décalée par rapport à la prise de tel pouvoir central ou à telle guerre ponctuelle…
— Ça a toujours été l’objectif de l’histoire scolaire : enseigner aux gens qu’ils s’étaient fait tuer et que c’était du grand héroïsme. Regardez ce qu’on est arrivé à faire avec Napoléon et les guerres napoléoniennes…
— Un certain nombre de films, dont celui de Malle et celui de Cavani, délaissent un discours historique ou un discours de lutte sur les phénomènes du nazisme et du fascisme et en tiennent un autre, à côté ou à la place, en général un discours sur le sexe. Quel est ce discours ?
— Mais vous ne faites pas une différence radicale entre Lacombe Lucien et Portier de nuit à ce sujet ? Moi, il me semble que, dans Lacombe Lucien, l’aspect érotique, passionné a une fonction assez facile à repérer. C’est, au fond, une manière de réconcilier l’antihéros, de dire qu’il n’est pas si anti que cela.
Si, effectivement, tous les rapports de pouvoir sont faussés pour lui et s’il les fait fonctionner à vide, en revanche, au moment où on croit qu’il fait fonctionner à faux tous les rapports érotiques, eh bien ! un rapport vrai se découvre et il aime la fille. D’un côté, il y a la machine du pouvoir qui entraîne Lacombe de plus en plus, à partir d’un pneu crevé, vers quelque chose de dément. Et, de l’autre côté, il y a la machine d’amour qui a l’air branchée dessus, qui a l’air faussée et qui, au contraire, fonctionne dans l’autre sens et rétablit Lucien à la fin comme le beau garçon nu vivant dans les champs avec une fille.
Il y a donc une sorte d’antithèse assez facile entre pouvoir et amour. Alors que, dans Portier de nuit, le problème est – en général comme dans la conjoncture actuelle – très important, c’est celui de Yamour pour le pouvoir.
Le pouvoir a une charge érotique. Ici se pose un problème historique : comment se fait-il que le nazisme, qui était représenté par des gars lamentables, minables, puritains, des espèces de vieilles filles victoriennes ou au mieux vicelardes, comment se fait-il qu’il ait pu devenir, maintenant et partout, en France, en Allemagne, aux États-Unis, dans toute la littérature pornographique du monde entier, la référence absolue de l’érotisme ? Tout l’imaginaire érotique de pacotille est placé maintenant sous le signe du nazisme. Ce qui pose, au fond, un problème grave : comment aimer le pouvoir ? Personne n’aime plus le pouvoir. Cette espèce d’attachement affectif, érotique, ce désir qu’on a pour le pouvoir, le pouvoir qui s’exerce sur vous n’existe plus. La monarchie et ses rituels étaient faits pour susciter cette sorte de rapport érotique au pouvoir. Les grands appareils staliniens, hitlériens même, étaient faits également pour cela. Mais tout est tombé en ruine, et il est clair qu’on ne peut pas aimer Brejnev d’amour, ni Pompidou, ni Nixon. On pouvait, à la rigueur, aimer de Gaulle, ou Kennedy ou Churchill. Mais que se passe-t-il actuellement ? N’assiste-t-on pas à un début de ré-érotisation du pouvoir, développée, à une extrémité dérisoire, lamentable, par les pomo-shops aux insignes nazis que l’on retrouve aux États-Unis et (version beaucoup plus supportable mais tout aussi dérisoire) dans les attitudes de Giscard d’Estaing disant : « On va défiler en complet veston dans les rues en serrant la main aux gens, et les gosses auront une demi-joumée de vacances » ? Il est certain que Giscard a fait une partie de sa campagne pas seulement sur sa prestance physique, mais aussi sur une certaine érotisation de son personnage, de son élégance.
— C’est ainsi qu’il s’est mis en scène dans une affiche électorale, celle où l’on voit sa fille tournée vers lui.
— C’est cela. Il regarde la France, mais elle le regarde, lui. C’est restituer de la séduction au pouvoir.
— Cest quelque chose qui nous a frappés pendant la campagne électorale, surtout au moment du grand débat télévisé entre Mitterrand et Giscard ; c’est qu’ils n’étaient pas du tout sur le même terrain. Mitterrand apparaissait comme un homme politique de type ancien, disons appartenant à une vieille gauche. Il essayait de vendre des idées, elles-mêmes datées et un peu vieillottes, et il le faisait avec une grande noblesse. Mais Giscard, lui, vendait l’idée du pouvoir exactement comme un publiciste vend un fromage.
— Encore tout récemment, il fallait s’excuser d’être au pouvoir. Il fallait que le pouvoir se gomme et ne se montre pas comme pouvoir. Cela a été, jusqu’à un certain point, le fonctionnement des républiques démocratiques, où le problème était de rendre le pouvoir suffisamment insidieux, invisible, pour qu’on ne puisse pas le saisir dans ce qu’il faisait et là où il était.
Maintenant (et là, de Gaulle a joué un rôle très important), le pouvoir ne se cache plus, il est fier d’être là et en plus il dit : « Aimez-moi, parce que je suis le pouvoir. »
— Il faudrait peut-être parler d’une certaine impuissance du discours marxiste, tel qu’il fonctionne depuis longtemps, à rendre compte du fascisme. Disons que le marxisme a historiquement rendu compte du phénomène nazi d’une façon économiste, déterministe, en mettant complètement de côté ce que pouvait être spécifiquement l’idéologie du nazisme. On peut alors se demander comment quelqu’un comme Malle, qui est assez au courant de ce qui se passe à gauche, peut profiter de cette faiblesse, s’engouffrer dans cette brèche.
— Le marxisme a donné du nazisme et du fascisme une définition : « Dictature terroriste ouverte de la fraction la plus réactionnaire de la bourgeoisie. » C’est une définition à laquelle il manque tout un contenu et toute une série d’articulations. En particulier, il manque le fait que le nazisme et le fascisme n’ont été possibles que dans la mesure où il a pu y avoir à l’intérieur des masses une portion relativement importante qui a pris sur elle et à son compte un certain nombre de fonctions étatiques de répression, de contrôle, de police. Il y a là, je crois, un phénomène important du nazisme. C’est-à-dire sa pénétration profonde à l’intérieur des masses et le fait qu’une partie du pouvoir a été effectivement déléguée à une certaine frange des masses. C’est là où le mot « dictature » est à la fois vrai en général et relativement faux. Quand on songe au pouvoir que pouvait détenir sous un régime nazi un individu à partir du moment où il était simplement S.S. ou inscrit au parti ! On pouvait effectivement tuer son voisin, s’approprier sa femme, sa maison ! C’est là où Lacombe Lucien est intéressant, parce que c’est un côté qu’il montre bien. Le fait est que, contrairement à ce qu’on entend d’habitude par dictature, c’est-à-dire le pouvoir d’un seul, on peut dire que, dans un régime comme celui-là, on donnait la partie la plus détestable, mais en un sens la plus enivrante, du pouvoir à un nombre considérable de gens. Le S.S. était celui auquel on avait donné le pouvoir de tuer, de violer…
— C’est là que le marxisme orthodoxe défaille. Parce que cela l’oblige à tenir un discours sur le désir.
— Sur le désir et sur le pouvoir…
— Cest là aussi que des films comme Lacombe Lucien et Portier de nuit sont relativement « forts ». Ils peuvent tenir un discours sur le désir et le pouvoir qui semble cohérent…
— Dans Portier de nuit, il est intéressant de voir comment, dans le nazisme, le pouvoir d’un seul était repris par les gens et mis en œuvre. Cette espèce de faux tribunal qui se constitue, c’est tout à fait passionnant. Parce que, d’un côté, cela prend l’allure d’un groupe de psychothérapie, mais en fait cela a la structure de pouvoir d’une société secrète. Au fond, c’est une cellule S.S. qui s’est reconstituée, qui se donne un pouvoir judiciaire différent et opposé au pouvoir central. Il faut tenir compte de la manière dont le pouvoir a été éparpillé, investi, à l’intérieur même de la population ; il faut tenir compte de ce formidable déplacement de pouvoir que le nazisme a opéré dans une société comme la société allemande. Il est faux de dire que le nazisme était le pouvoir des grands industriels reconduit sous une autre forme. Ce n’était pas le pouvoir du grand état-major renforcé. Ça l’était, mais à un certain niveau seulement.
— Effectivement, c’est un côté intéressant du film. Mais ce qui nous a semblé très critiquable, c’est qu’il a l’air de dire : «• Si vous êtes un S.S. classique, vous fonctionnez de cette façon-là. Mais si vous avez en prime une certaine “notion de dépense”, cela donne une aventure érotique formidable. » Le film maintient donc la séduction.
— Oui, c’est là qu’il rejoint Lacombe Lucien. Car le nazisme n’a jamais donné une livre de beurre aux gens, il n’a jamais donné autre chose que du pouvoir. Il faut quand même se demander, si ce régime n’était rien d’autre que cette dictature sanglante, comment il se fait que le 3 mai 1945, il ait pu y avoir encore des Allemands pour se battre jusqu’à la dernière goutte de sang, s’il n’y avait pas un mode d’attachement de ces gens au pouvoir. Bien sûr, il faut tenir compte de toutes les pressions, dénonciations…
— Mais s’il y avait dénonciations et pressions, c’est qu’il y avait des gens pour dénoncer. Donc, comment les gens étaient-ils pris là-dedans ? Comment étaient-ils blousés par cette redistribution du pouvoir dont ils avaient été bénéficiaires ?
— Dans Lacombe Lucien comme dans Portier de nuit, ce surcroît de pouvoir qu’on leur donne est reconverti en amour. C’est très clair a la fin de Portier de nuit, où se constitue autour de Max, dans sa chambre, une sorte de petit camp de concentration où il meurt de faim. Alors, là, l’amour a reconverti le pouvoir, le surpouvoir, en absence totale de pouvoir. Dans un sens, il y a à peu
près la même réconciliation que dans Lacombe Lucien, où l’amour reconvertit l’excès de pouvoir par lequel il a été piégé en un dénuement champêtre fort loin de l’hôtel borgne de la Gestapo, fort loin aussi de la ferme où on égorge les cochons.
— Alors, on aurait un début d’explication au problème que vous posiez au début de l’entretien : pourquoi le nazisme, qui était un système puritain, répressif, est-il aujourd’hui partout érotisé ? Il y aurait une sorte de déplacement : un problème, qui est central et qu’on ne veut pas envisager, celui du pouvoir, serait éludé ou plutôt déplacé complètement vers le sexuel. Si bien que cette érotisation serait en définitive un déplacement, un refoulement…
— Ce problème est en effet très difficile et il n’a peut-être pas été assez étudié, même par Reich. Qu’est-ce qui fait que le pouvoir est désirable et qu’il est effectivement désiré ? On voit bien les procédés par lesquels cette érotisation se transmet, se renforce, etc. Mais, pour que l’érotisation puisse prendre, il faut que l’attachement au pouvoir, l’acceptation du pouvoir par ceux sur qui il s’exerce soient déjà érotiques.
— C’est d’autant plus difficile que la représentation du pouvoir est rarement érotique. De Gaulle ou Hitler n’étaient pas particulièrement séduisants.
— Oui, et je me demande si, dans les analyses marxistes, on n’est pas un peu victimes du caractère abstrait de la notion de liberté. Dans un régime comme le régime nazi, il est certain qu’on n’a pas de liberté. Mais ne pas avoir de liberté ne veut pas dire ne pas avoir de pouvoir.
— C’est au niveau du cinéma et de la télévision, la télévision étant entièrement contrôlée par le pouvoir, que se focalise avec le maximum d’impact le discours de l’histoire. Ce qui implique une responsabilité politique. Il nous semble que les gens s’en rendent de plus en plus compte. Au cinéma, depuis quelques années, on parle de plus en plus d’histoire, de politique, de lutte…
— Il y a une bataille pour l’histoire, autour de l’histoire qui se déroule actuellement et qui est très intéressante. Il y a la volonté de coder, de juguler ce que j’ai appelé la « mémoire populaire » et aussi de proposer, d’imposer aux gens une grille d’interprétation du présent. Les luttes populaires, jusqu’en 1968, étaient du folklore. Pour certains, elles ne faisaient pas même partie de leur système immédiat d’actualité. Après 1968, toutes les luttes populaires, qu’elles se passent en Amérique du Sud ou en Afrique, trouvent de l’écho, de la résonance. On ne peut donc plus établir cette séparation, cette espèce de cordon sanitaire géographique. Les luttes populaires sont devenues, non pas d’actualité, mais d’éventualité, dans notre système. Il faut donc à nouveau les mettre à distance. Comment ? Non pas en les interprétant directement, car ce serait s’exposer à tous les démentis, mais en proposant une interprétation historique des luttes populaires anciennes qui ont pu se produire chez nous, pour montrer qu’en fait elles n’ont pas existé ! Avant 1968, c’était : « Ça ne viendra pas parce que ça se passe ailleurs » ; maintenant, c’est : « Ça ne viendra pas, parce que ça ne s’est jamais passé ! Et regardez même quelque chose comme la Résistance, sur laquelle on a tellement rêvé, regardez un peu… Rien. Vide, ça sonne creux ! » Ce qui est une autre manière de dire : « Au Chili, ne vous inquiétez pas, c’est la même chose ; les paysans chiliens s’en contrefoutent. En France aussi : ce que peuvent faire quelques agités, ça ne touche pas les profondeurs. » – Pour nous, ce qui est important quand on réagit par rapport à cela, contre cela, c’est de ne pas se contenter de rétablir la vérité, de dire, sur le maquis par exemple : « Non, j’y étais, ça ne s’est pas passé comme cela ! » Nous pensons que pour mener efficacement la lutte idéologique sur un terrain comme celui où ces films nous entraînent, il faut avoir un système de références – et de références positives – plus large, plus vaste. Pour beaucoup de gens, par exemple, cela consiste à se réapproprier l’ « histoire de France ». C’est dans cette optique-là qu’on a lu avec beaucoup d’attention Moi, Pierre Rivière…, parce qu’on se rendait compte qu’à la limite, paradoxalement, ça nous était utile pour rendre compte de Lacombe Lucien, que la comparaison n’était pas improductive. Par exemple, il y a une différence significative, c’est que Pierre Rivière est un homme qui écrit, qui exécute un meurtre et qui a une mémoire tout à fait extraordinaire. Malle, lui, traite son héros en demeuré, comme quelqu’un qui traverse tout, l’histoire, la guerre, la collaboration, sans rien capitaliser. Cest là que le thème de la mémoire, de la mémoire populaire, peut aider à opérer un clivage entre quelqu’un, Pierre Rivière, qui prend la parole ne l’ayant pas et est contraint de tuer pour avoir droit à cette parole, et le personnage créé par Malle et Modiano qui prouve, justement en ne capitalisant rien de ce qui lui arrive, qu’il n’y a rien dont il vaille la peine de se souvenir. Cest dommage que tu n’aies pas vu Le Courage du peuple 260. Cest un film bolivien, qui a été fait explicitement dans le but de constituer une pièce à conviction pour un dossier. Ce film, qui circule dans le monde entier (mais pas en Bolivie, à cause du régime), est joué par les acteurs mêmes du drame réel qu’il reconstitue (une grève des mineurs et sa répression sanglante), ils prennent eux-mêmes en main leur représentation, pour que personne n’oublie.
Il est intéressant de voir que, à un niveau minimal, tout film fonctionne comme archive potentielle, et que, dans une perspective de lutte, on peut s’emparer de cette idée, passer à un stade plus avancé, lorsque les gens organisent leur film comme une pièce à conviction. Et on peut penser cela de deux façons radicalement différentes : soit que le film mette en scène le pouvoir, soit qu’il représente les victimes de ce pouvoir, les classes exploitées qui, sans le secours de l’appareil de production-diffusion de film, avec très peu de moyens techniques, prennent en charge leur propre représentation, témoignent pour l’histoire. Un peu comme Pierre Rivière témoignait, c’est-à-dire commençait à écrire, sachant qu’il allait comparaître tôt ou tard et qu’il fallait que tout le monde comprenne ce qu’il avait à dire.
Ce qui est important dans Le Courage du peuple, c’est que la demande est venue effectivement du peuple. Cest à partir d’une enquête que le réalisateur s’est rendu compte de cette demande. Ce sont les gens qui avaient vécu l’événement qui ont demandé qu’il soit mémorisé.
— Le peuple constitue ses proches archives.
— ha différence entre Pierre Rivière et Lacombe Lucien, c’est que Pierre Rivière fait tout pour que l’on puisse discuter de son histoire après sa mort. Tandis que, même si Lacombe est un personnage réel ou qui a pu exister, il n’est que l’objet du discours d’un autre, pour des fins qui ne sont pas les siennes.
Il y a deux choses qui marchent actuellement dans le cinéma. D’une part, les documents historiques, qui ont un rôle important. Dans Toute une vie *, par exemple, ils jouent un très grand rôle. Ou bien dans les films de Marcel Ophuls ou de Harris et Sédouy **, le fait de voir Duclos s’agiter en 1936, en 1939, c’est émouvant de voir ce réel. Et, d’autre part, il y a les personnages de fiction qui, à un moment donné de l’histoire, condensent au maximum des rapports sociaux, des rapports à l’histoire. C’est pour cela que Lacombe Lucien marche si bien. Lacombe, c’est un Français sous l’Occupation, un mec qui a un rapport concret au nazisme, à la campagne, au pouvoir local, etc. Et nous ne devons pas ignorer cette manière de personnifier l’histoire, de l’incarner dans un personnage ou un ensemble de personnages qui condensent, à un moment donné, un rapport privilégié au pouvoir.
Il y a un tas de personnages dans l’histoire du mouvement ouvrier qu’on ne connaît pas ; il y a des tas de héros de l’histoire ouvrière qui
* Ein Lebert lang, de G. Ucicky, 1940.
** Français si vous saviez, 1972.
ont été complètement refoulés. Et je crois qu’il y a là un enjeu réel. Le marxisme n’a pas à refaire des films sur Lénine, il y en a eu des tas.
— C’est important ce que tu dis. C’est un trait de beaucoup de marxistes d’aujourd’hui. C’est l’ignorance de l’histoire. Tous ces gens, qui passent leur temps à parler de la méconnaissance de l’histoire, ne sont capables que de faire des commentaires de textes : Qu’est-ce qu’a dit Marx ? Marx a-t-il bien dit cela ? Or qu’est-ce que le marxisme, sinon une autre manière d’analyser l’histoire elle-même ? À mon avis, la gauche, en France, n’est pas historienne. Elle l’a été. Au XIXe siècle, Michelet, on peut le dire, a représenté la gauche à un moment donné. Il y a eu aussi Jaurès, puis c’est devenu une espèce de tradition d’historiens de gauche, sociaux-démocrates (Mathiez, etc.). C’est aujourd’hui un petit ruisseau. Alors que ce pourrait être un formidable mouvement qui comprendrait des écrivains, des cinéastes. Il y a tout de même eu Aragon et Les Cloches de Bâle 261, c’est un très grand roman historique. Mais c’est relativement peu de chose, par rapport à ce que cela pourrait être dans une société où l’on peut tout de même dire que les intellectuels sont plus ou moins imprégnés de marxisme.
— Le cinéma apporte à cet égard quelque chose de nouveau : l’histoire prise <r en direct »… Quel rapport ont les gens en Amérique avec l’histoire, en voyant tous les soirs, à la télévision, la guerre du Viêt-nam en mangeant ?
— À partir du moment où l’on voit tous les soirs des images de guerre, la guerre devient totalement supportable. C’est-à-dire parfaitement ennuyeuse, on a vraiment envie de voir autre chose. Mais du moment qu’elle est ennuyeuse, on la supporte. On ne regarde même pas. Alors comment faire pour que cette actualité-là, telle qu’elle est filmée, soit réactivée comme une actualité historique importante ?
— Lu as vu Les Camisards 262 ?
— Oui, j’ai beaucoup aimé. Historiquement, c’est impeccable. C’est beau, c’est intelligent, cela fait comprendre des tas de choses.
— Je crois que c’est dans ce sens-là qu’il faudrait aller pour faire des films. Four en revenir aux films dont on parlait au début, il faudrait poser le problème du désarroi de l’extrême gauche devant certains aspects, particulièrement l’aspect sexuel, de Lacombe Lucien ou de Portier de nuit. Comment ce désarroi peut-il profiter à la droite?…
— Envers ce que tu appelles l’extrême gauche, je suis dans un grand embarras. Je ne sais pas très bien si elle existe encore. Il y a tout de même un énorme bilan de ce que l’extrême gauche a fait depuis 1968 qu’il faut bien tracer : bilan négatif à un certain niveau et positif à un autre. C’est vrai que cette extrême gauche a été l’agent de diffusion de tout un tas d’idées importantes : la sexualité, les femmes, l’homosexualité, la psychiatrie, le logement, la médecine. Elle a été également l’agent de diffusion de modes d’action, ce qui continue à être important. L’extrême gauche a été importante, aussi bien dans des formes d’action que dans des thèmes. Mais il y a aussi un bilan négatif au niveau de certaines pratiques staliniennes, terroristes, organisationnelles. Une méconnaissance également de certains processus larges et profonds qui viennent d’aboutir aux 13 millions de voix derrière Mitterrand, et qu’on a toujours négligés sous prétexte que c’était de la politique politicante, sous prétexte que c’était des affaires de partis. On a négligé tout un tas d’aspects, notamment que le désir de vaincre la droite a été un facteur politique très important depuis un certain nombre d’années, de mois, dans les masses. L’extrême gauche n’a pas senti ce désir, à cause d’une fausse définition des masses, d’une fausse appréciation de ce qu’est l’envie de vaincre. Au nom du risque que revêt une victoire confisquée, elle préfère ne pas prendre le risque de vaincre. La défaite, au moins, ça ne se récupère pas. Personnellement, je n’en suis pas si sûr.
프로젝트 7 : 미셸 푸코의 Dits et Ecrits 번역 작업/Dits et Ecrits 4권
Michel Foucault, dits et ecrits, tome II, 140. Anti-Rétro
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