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프로젝트 7 : 미셸 푸코의 Dits et Ecrits 번역 작업/Dits et Ecrits 1권

Michel Foucault, dits et ecrits, tome I - 006 Alexandre Koyré - La Révolution astronomique, Copernic, Kepler, Borelli

by 상겔스 2024. 6. 25.
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Alexandre Koyré :
La Révolution astronomique,
Copernic, Kepler, Borelli >

 

< Alexandre Koyré : La Revolution astronomique, Copernic, Kepler, Borelli », La Nouvelle Revue française, 9’ année, n° 108, 1" décembre 1961, pp. 1123-1124. (Sur A. Koyré, op. cit., Paris, Hermann, coll. < Histoire de la pensée >, 1961.)

 


Il y a des histoires tristes de la vérité : celles qu’endeuille le récit de tant d’erreurs féeriques e t mortes ; to u t au plus nous fon t-e lle s parfois la grâce d ’un réconfort : les âmes rectrices dont Kepler guidait ses planètes définitivement elliptiques nous consolent de savoir qu’elles ne tourneront plus en rond ; l ’orgueil de Copernic qui nous fit étoile rachète bien l’ennui de n ’être plus au centre d u monde.

Le livre de M. Koyré est tout ce qu’il y a de moins triste ; il raconte, d’une voix grave d ’érudit, les noces merveilleuses et ininterrompues du vrai et du faux. Mais c’est encore nous qui, du fond de notre langage usé, parlons de vérité ou d’erreur et admirons leur alliance. L’autorité de ce travail patient et profond vient d e plus loin : la rigueur dans la présentation de textes si peu connus et leur juste exégèse tiennent à un double propos d’historien e t de philosophe : ne prendre les idées qu’en ce m om en t de leur turbulence où le vrai e t le faux n ’y sont p o in t encore séparés; ce qui est raconté, c’est un indissociable travail, en dessous des partages que fait ensuite l ’histoire. Les ellipses de Kepler ne faisaient qu’une chose avec la sourde musique des nombres épars dans l ’univers.

M . Koyré montre com m en t c e tte astronomie q u i, pour nous, devient sc ientifique de Copernic à Kep le r é ta it soutenue par un grand p ro je t pythagoricien. Freud veut que Copernic, Darwin e t la psychanalyse aient été les trois grandes frustrations imposées par le savoir européen au narcissisme de l ’homme. Pour Copernic au m oins, erreur. Quand le centre du monde q u itte notre sol, il n ’abandonne pas l ’animal h um a in à un destin planétaire anonyme : il lu i fa it décrire un cercle rigoureux, image sensible de la perfection, autour d ’un centre qu i est le luminaire du monde, le dieu v isib le de Trismégiste, la grande prunelle cosmique. Dans cette clarté, la Terre est affranchie de la lourdeur sublunaire. Il faut rappeler l ’hymne de Marsile F icin au S o le il, e t tou te ce tte théorie de la lum iè re qu i fu t ce lle des peintres, des physiciens, des architectes. La philosophie de l ’hom m e , c ’é ta it ce lle d ’A ris to te ; l ’hum anisme , lu i,
est lié à un grand retour de la culture de l ’O cc id ent vers la pensée solaire. Le classicisme s’établira dans ce monde clair, mais la jeune violence du Soleil une fois d om in é e ; le grand trône de feu dont s ’enchantait la cosmologie de Copernic deviendra l ’espace homogène e t pur des formes intelligible s.

Kepler, lui aussi, est hanté de souvenirs qu i remontent au-delà
d ’A ristote. Il lu i fa llu t d ix ans de calculs, c ’e st-à-dire de scrupules,
pour arracher les planètes à la perfection des cercles, e t dix ans
encore pour reconstituer autour de ces ellipses un monde entièrem
ent ha rm onieux ; il lu i fa llu t ces v ingt années pour faire entrer le
problème physique du mouvement des planètes e t de sa cause dans
la vieille voûte lisse où la seule géométrie des sphères mouvait les
choses célestes. Pas à pas, M . Koyré a restitué cette recherche, fidèle
deux fois à celui q u ’il a suivi : Kep ler n ’énonçait pas une vérité nouv
elle sans indiquer lu i-m êm e par quel sentier d ’erreur il venait de
passer : ainsi éta it-e lle sa vérité. Montaigne perdait les pistes et
savait q u ’il les perdait. Descartes, d ’un geste, regroupe toutes les
erreurs possibles, en fa it une grosse liasse essentielle, la tra ite impatiem
m en t comme le fonds d iabolique de tous les dangers éventuels ;
puis se considère qu itte . Entre les deux, K ep le r - qu i ne dit pas la
vérité sans raconter l ’erreur. La vérité se profère à la rencontre d ’un
énoncé e t d ’un récit. Chose capitale dans l ’h istoire de notre langage :
d ’un côté, le ré cit va abandonner sa vocation sim p lem ent historique
ou fantastique, pour transmettre quelque chose qu i est de l ’o rdre du
d é fin itif e t de l ’essentiel ; quant à l ’énonciation du vrai, e lle va pouvoir
se charger de toutes les modulations individuelles, des aventures
e t des vaines rêveries. En ce d ébut de xvne siècle, le lieu de
naissance de la vérité s ’est déplacé : il n ’est plus du côté des figures
du monde, mais dans les formes intérieures e t croisées du langage.
La vérité s ’é crit dans la courbe d ’une pensée qu i se trompe et le dit.
C ’est ce p e tit cercle, à hauteur d ’homme, que Kep le r a tracé en effaçant
du d e l les grands cerdes imaginaires où s ’inscrivait la perfection
des planètes.

 

Ce nouveau monde lumineux, dont la g éométrie est de plein
droit physidenne et qu i, soudain, s ’incurve dans le ce rd e minuscule
mais d é d s if d ’une pensée qu i toujours reprend sa parole, on
comprend q u ’il a it été le paysage naturel d ’une philosophie, d ’un
langage e t d ’une culture plus occupés de la vérité des choses que de
leur être.

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